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Blog historique sur la fin de la seconde guerre mondiale et l'immédiat après guerre. Je commence là où trop de livres d'histoire s'arrêtent. Je suis l'auteur des articles sauf mention contraire lapresguerreATyahoo.com

Analyse de la rediffusion des Dossiers de l'écran Pétain 1976

Le 28 septembre 2019, la chaîne LCP a passé de larges extraits du Dossier de l'Ecran de mai 1976 consacré à Philippe Pétain dans le cadre de l'émission Rembob'INA qui rediffuse d'anciennes émissions de télévision ayant eu une importance historique, culturelle ou autre.

L'émission mettait face à face deux camps : trois anciens résistants (Pierre-Henri Teitgen, Henri Frenay et Pierre Lefranc) d'une part, trois défenseurs de Pétain (l'amiral Gabriel Auphan, l'avocat Jacques Isorni, et Louis-Dominique Girard, ancien chef du cabinet civil) d'autre part, et au milieu trois historiens (Robert Paxton, Henri Michel président du comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale , Jean Vanwelkenhuyzen, directeur du Centre de recherches et d’études historiques de la Seconde Guerre mondiale de Bruxelles) ainsi qu'un journaliste, Jérôme Pasteur. (1a) L'émission se composait d'un film d'actualité sur Pétain suivi d'un débat.

Les morceaux choisis en 2019 étaient encadrés par un débat introductif et une analyse à titre de conclusion auxquels participent Marc Ferro, Fabrice Grenard, Guy Darbois et Agnès Chauveau.

Cette émission et son commentaire sont autant intéressants pour ce qui est dit que pour ce qui est passé sous silence.

De persistants silences

Où sont les femmes ?

La première chose qui nous frappe est l'absence totale de femmes parmi les intervenants de 1976, même le journaliste qui annonce l'émission dans le journal télévisé est un homme, ce n'est pas relevé par les commentateurs de 2019.

Nous notons également l'âge des participants, assez élevé ce qui est logique puisque le débat réunit des "anciens combattants" des personnes impliquées à l'âge adulte dans les évènements des années 40, le plus jeune étant l'historien Robert Paxton qui apparait malgré sa maitrise du sujet perdu dans cette querelle franco-française ce qui est relevé par les commentateurs de 2019.

Le fait que tous les participants du débat étaient des hommes âgés nés bien avant les principales lois accordant l'égalité juridique aux femmes explique parmi d'autres choses que les femmes tondues soient un angle mort de ce débat. La seule mention de l'existence d'une femme est faite par Patrick Cohen en 2019 qui rappelle le refus de Marie-Madeleine Fourcade d'y participer puisqu'elle estimait dans le cadre d'un communiqué commun avec d'autres résistants "inacceptable qu'on mette sur le plateau d'une même balance, résistants et collabos." Rappelons que celle-ci a été la seule femme à avoir dirigé un réseau de résistance, ce qui n'a pas été considéré comme suffisant pour lui décerner le titre de compagnon de la libération. (2)

Argumentations à fronts renversés

Nous notons que les anciens résistants développent principalement une argumentation militaire et politique l'argumentation juridique est résiduelle et sanctionnatrice, alors que les pétainistes développent principalement une argumentation juridique protectrice, voire "droitdelhommiste" alors que nombre d'entre eux n'ont eu que faire de l'application du droit lors de leur présence au pouvoir. Ce jeu à fronts renversés aboutit par moment au rejet par les résistants présents sur le plateau de la pertinence d'une analyse juridique des faits alors même que la résistance avait pour objectif de rétablir l'état de droit et que l'après seconde guerre mondiale a fait preuve d'importantes innovations en matière de droit international des droits de l'homme. (1d) Les commentateurs de 2019 en viennent à conclure que l'argumentation juridique ne fait en l'espèce pas sens, pourtant le droit fait toujours sens mais c'est au moment où le droit cesse de s'appliquer que le grand public s'en rend vraiment compte puisque tout un chacun devient potentiellement victime de l'arbitraire.

L'argumentation juridique en défense de Pétain se compose d'une passe d'arme sur la légalité de l'armistice et le contenu de  la convention de La Haye.

L'amiral Auphan rappelle que les communistes en 1940 ne résistaient pas encore et considère que le viol de la convention d'armistice a été du fait des communistes qui ont transformé le conflit en guerre subversive. De première part il sous entend qu'il y a des bons résistants : les non communistes et des mauvais résistants : les communistes, de deuxième part il dit que la résistance s'est transformée en guerre subversive, or c'est ainsi que d'anciens résistants qualifiaient l'insurrection algérienne.

Si l'amiral Auphan attaque les communistes c'est sans doute parce que les absents ont toujours tort : il n'y a aucun résistant communiste sur le plateau - Teitgen est MRP donc centriste, Frenay gauche modérée anticommuniste, Lefranc est RPF donc gaulliste - ont ils refusé pour ne pas se compromettre avec des collaborateurs ? Pour ne pas répondre à de gênantes questions sur le pacte germano-soviétique ? N'ont ils pas été invités ? Les commentateurs de 2019 restent muets à ce sujet.

L'argumentation juridique offensive est menée par Teitgen qui rappelle la sanction de la peine de mort prévue dans le code pénal pour les infractions commises par les Miliciens, tandis qu'Isorni répond qu'il a toujours lutté contre la peine de mort.

Le discours de Teitgen devient à moment donné totalement inacceptable pour des auditeurs de 2019 lorsqu'il dit qu'en temps de guerre la priorité n'est pas de préserver les vies humaines :

"Quand on est en guerre, en guerre ! est ce que le seul souci c'est d'économiser des vies humaines ?"

Cet état d'esprit se retrouve dans les propos d'Henri Frenay qui explique très simplement qu'il a refusé de faire passer Joseph Darnand en Angleterre juste après le sabordage de Toulon du 27 novembre 1942 en lui disant qu'il était allé trop loin [dans la collaboration] et qu'il fallait aller jusqu'au bout. Et il conclut que suite à son refus, Joseph Darnand a fondé la Milice qui a causé tous les morts rappelés par Pierre-Henri Teitgen. Sur le moment, Henri Frenay ne semble pas réaliser que non seulement des personnes ayant travaillé pour Vichy ne se sont ralliées à la France Libre qu'après cette date, mais encore qu'il a peut être pris une mauvaise décision. Sauf si après un éventuel passage du côté allié, Joseph Darnand avait commis ou fait commettre les mêmes atrocités au nom de la résistance ... Mais il est vrai qu'économiser des vies humaines n'était pas le sujet ... (3)

Henri Frenay dit également avoir "beaucoup de respect pour les gens qui mettent leur peau au bout de leur fusil et pour Bassompierre, je me serais découvert devant le peloton d'exécution, il a combattu contre nous"
Que deviennent les civils si la fraternité d'armes compte à ce point ? N'ont ils pas droit au respect ?

Au vu des remarques précédentes on ne peut que relever le paradoxe consistant à insister sur le nombre de morts et les sacrifices des résistants, tout en levant les yeux au ciel lorsque des contradicteurs parlent d'économiser des vies.

Ce n'est pas si contradictoire si on garde à l'esprit que la vie humaine dans les médias et le monde politique n'avait pas le même prix en 1976 et en 2019, il a fallu par exemple attendre les années 2010 pour que le nom des soldats tombés en OPEX soient communiqués aux journaux télévisés, que des hommages officiels télédiffusés leurs soient rendus quel que soit leur grade et qu'un monument leur soit dédié. (4)

L'amnistie

Si des arguments juridiques sont développés de part et d'autre, nous déplorons le silence tout autant réciproque sur le vote des amnisties de 1947, 1951, 1953.

Après guerre, les pro-Pétain voulaient l'amnistie pour sortir de prison ou faire sortir de prison leurs amis, les anti-Pétain savaient que des résistants avaient commis des actes qui pouvaient relever du crime de guerre. Les deux parties avaient intérêt à ce que dans certaines circonstances, la justice ne passe pas et que l'oubli se fasse. La présence de François Mitterrand parmi les parlementaires ayant voté la loi d'amnistie est significative. Le devoir de mémoire n'était pas encore ce qu'il est aujourd'hui.

Ce dernier élément explique aussi pourquoi le droit était un sujet qui fâche.

Fabrice Grenard était intéressant bien qu'en retrait, nous l'avons connu plus incisif au moment où il avait écrit son livre sur les faux maquis, dommage, il avait brisé un tabou.

Des tabous brisés non sans paradoxes

Jacques Isorni inconoclaste apparent

Certains arguments de Jacques Isorni laissent songeur. Il défend par exemple la pertinence de l'armistice de 1940 en considérant qu'il "a empêché que les allemands traversent l'Espagne pour aller en Afrique du Nord."
On peut légitimement se demander si Francisco Franco qui a laissé l'Espagne à l'écart du conflit aurait accepté une chose pareille. Il est plus probable que Franco aurait réagi comme Ioannis Metaxas, le dictateur grec qui a refusé l'ultimatum de Mussolini en 1940, et en aurait profité pour faire une sorte de réconciliation nationale contre l'ennemi extérieur païen et allié de l'Union Soviétique et les troupes allemandes, telles les troupes napoléoniennes, se seraient embourbées en Espagne.

Jacques Isorni joue aussi sur les contradictions d'une époque dont on ne voulait pas admettre la complexité en ce temps là, en rappelant que François Mitterrand a reçu la francisque, ce que peu osaient dire avant 1994 et la publication d' "Une jeunesse française."(5)

La défense de Pétain est facilitée par le discours même qui se développait dans les médias selon lequel le maréchal Pétain était gâteux et manipulé par son entourage, d'ailleurs le commentaire du film fait à partir d'images d'actualités et commandé à Guy Darbois pour les besoins du présent débat, énonce : "c'est Laval qui décide de tout dans le cadre des exigences de Hitler."

Jacques Isorni jette en pâture le chiffre de 100 000 morts liés à la répression à la libération qui bien que cité par le ministre de l'intérieur socialiste Adrien Tixier et appuyé par une citation de François Mitterrand n'en est pas moins faux.

Ce chiffre issu d'assertions gratuites de médias américains (6), provisoirement conforté par une enquête de gendarmerie à la méthodologie confuse et repris par les collaborationnistes après guerre en dépit des dénombrements postérieurs, a eu pour seul effet de décrédibiliser les revendications des victimes civiles de faits de résistance, et de mettre en lumière - si on peut dire - ceux qui le revendiquent. L'unique but de Jacques Isorni étant la défense de Pétain, il n'a que faire des victimes civiles qui ne sont que des chiffres et plus le chiffre est élevé, mieux cela sert sa démonstration.

Un débat télévisé même s'il se veut sérieux reste un spectacle où les effets de manche ont la priorité, la télévision ne connait pas les notes en bas de page.

Des anciens résistants iconoclastes sans le savoir ?

Il n'en reste pas moins que l'attitude des résistants pose question. Lorsque Jacques Isorni cite le chiffre de 100 000 exécutions sommaires, le contradicteurs disent d'abord "non", au lieu de "non le chiffre est inexact", ce qui pourrait laisser croire à un spectateur peu attentif qu'il n'y a eu aucune exécution extrajudiciaire. Ensuite la contradiction se fait sur le mode, "elles n'ont pas été décidées par le gouvernement", ce qui a son importance juridique mais ne console pas les familles des victimes civiles. Enfin, la contradiction devient factuelle "vous multipliez les chiffres par dix" et nous pouvions craindre que le débat ne vire à la querelle de chiffres et n'oublie l'humain, comme si dix mille morts étaient quantité négligeable.

Mais ce débat avait quelque chose de remarquable, Pierre-Henri Teitgen partisan du chiffre de quatorze mille morts admet qu'il s'agissait de quatorze mille morts de trop. Son attitude est peut-être motivée par le souhait de tempérer ses propos précédents sur l'inanité de l'économie de vies humaines en temps de guerre ainsi que les propos d'Henri Frenay sur le passage avorté de Joseph Darnand à Londres, mais aussi par sa probable connaissance des évènements de Monterfil qui ont déjà donné lieu à un article sur le présent blog (6) et des évènements de Scaer que je traiterai ultérieurement. Une chose est certaine, il a saisi le procureur général près la cour de cassation en date du 28 août 1946 pour former pourvoi dans l'intérêt de la loi de sorte à casser des jugements de validation rétroactive de condamnation à mort intervenus à Cahors postérieurement à des exécutions opérées sans jugement sous de faux prétextes de collaboration. Lesdits jugements ont été cassés quelques jours plus tard, le 31 août 1946. (8) (9) Florent Schroetter, Mayer et Roger Dahan faisaient partie des 63 personnes exécutées.

L'historien Henri Michel pense également qu'il s'agit sans doute de quinze mille de trop mais tempère en disant qu'on était en pleine guerre civile, ce qui est intéressant puisque pendant longtemps le vocable "épuration - guerre civile" faisait partie de l'argumentaire pétainiste.

Autre fait remarquable que personne ne relève ni en 1976 ni en 2019, Pierre-Henri Teitgen, encore lui, admet que Pétain a engagé la responsabilité de la France.

"Vous croyez que ce n'est que lui qu'il a déshonoré ? ces crimes abominables, j'en ai cité quelques uns parmi des centaines, ces crimes abominables, mon cher Isorni c'est la France qu'il déshonorait aux yeux du monde, eh bien pour sauver ses enfants on n'humilie pas on ne déshonore pas sa femme."

et que les policiers français ont participé à la livraison d'otages

"On livre des otages, on s'en va dans des prisons, des fonctionnaires français, des policiers français en uniforme français, au nom du maréchal de France, on s'en va dans les prisons chercher six pauvres malheureux qu'on avait jugé dans les mois précédents condamnés à quelques semaines, à quelques mois de prison, on les emmène devant des sections spéciales on en condamne trois à mort, on les guillotine le lendemain matin, Pétain ne les a pas graciés."

et à la déportation des juifs.

"J'en ai vu débarquer des milliers de mes yeux au camp de Gurs et c'était des gendarmes français qui les poussaient dans le camp, et dans les semaines qui ont suivi on les a envoyé aux Allemands pour qu'ils les brûlent à Mauthausen. C'était çà la collaboration avec des remords après ,des scrupules peut-être, mais c'est une abomination, c'est une participation au génocide, crime abominable réprimé par le code pénal sous les sanctions les plus sévères."

Pourtant aucun français n'avait été encore condamné pour cela (1c) et il faudra attendre 1995 pour la France par la voix de Jacques Chirac cesse de nier l'évidence et reconnaisse la responsabilité de la France dans la déportation des juifs. Teitgen a t'il réalisé que son insistance sur la participation des policiers français à la déportation des juifs et à l'arrestation des otages destinée à souligner très justement l'action néfaste de Pétain remettait en cause le mythe de la poignée de misérables et de la non-responsabilité de la France dans la politique de collaboration ?

Ce mythe de la France unanimement résistante est également dynamité par le commentaire du film de 1976  selon lequel "le maréchal conserve aux yeux d'un grand nombre de Français son prestige intact." Il est particulièrement intéressant de noter que selon la chronologie du film, nous sommes après 1943, alors que la majeure partie des historiens et des émissions de vulgarisation historique, expose que les Français se sont détournés de Pétain à partir de l'invasion de la zone sud et de la mise en place du STO.

Henri Frenay va dans le même sens et se dédit par rapport à ses propos de 1944 où il évaluait les personnes ayant collaboré à quelques milliers (3) en disant "il y a une responsabilité écrasante, le maréchal Pétain en raison de son prestige, en raison de son immense popularité a égaré une masse d'excellents français."

Pourtant Agnès Chauveau note que le documentaire "Le chagrin et la pitié" tourné en 1969 et qui présente de longs entretiens avec des personnes de Clermont Ferrand tant résistantes que pétainistes sera interdit de diffusion télévisée de 1971 à 1981. Le général de Gaulle considérant que les français n'ont pas besoin de vérité mais d'espoir... (10)

Marc Ferro en 2019 évoque avec pertinence ses souvenirs personnels pour confirmer la popularité de Pétain sous l'occupation "Je me souviens qu'au maquis sur ce problème qu'on abordait pas mais sur d'autres, on jugeait en gros que Pétain on en parlait pas dans le maquis, on parlait de Laval, on parlait de Darnand, on parlait de qui vous voulez mais de lui tabou, pourquoi ? parce que çà nous aurait divisés, parce qu'il y en avait qui étaient plus anti vichystes qu'anti Pétain, et d'autres plus anti allemands qu'anti vichystes, et puis il y a eu une sorte d'escalade des haines, pour nous l'ennemi c'était d'abord l'allemand, et puis moi je jugeais comme tous mes camarades que Pétain était trop vieux que c'était pas sa faute, ce sont les travaux d'historiens qui ont fait le point sur la culpabilité quasi intégrale de Pétain."

Notons qu'Henry Russo qui a vu l'émission de 1976 en direct et la commente en 2000 (1b) et Sorj Chalandon qui la commente en 2005 (11) n'ont pas non plus relevé les conséquences induites par l'argumentation conjointe de Teitgen et Frenay.

Les intervenants de 2019 sur la réserve

A la demande de Patrick Cohen sur la pertinence de faire le débat en 1976 Marc Ferro et Fabrice Grenard répondent par l'affirmative, tandis que Guy Darbois trouve "tout à fait louable" que les "grands patrons de la résistance qui ne supportaient pas qu'on puisse faire la moindre allusion au rôle de Pétain." Alors qu'il n'appartient pas à la mission de l'historien de ménager les susceptibilités des uns et des autres.

Marc Ferro détaille sa position de la façon suivante et rend un avis moins défavorable à la répression à la libération que ceux de Teitgen et Henri Michel en 1976.

"Marc Ferro - oui il fallait le faire parce que la résistance a été effacée d'une certaine façon par tout ce qu'on a dit sur la répression qu'il y a eu contre les pétainistes après guerre, c'est à dire que dans les années 46-50 etc... c'était les résistants les coupables et les vraies victimes, c'était Sacha Guitry, toujours ces gens qu'on arrêtait qui pouvaient se défendre, qui avaient toujours de bonnes raisons,  n'est ce pas, et les résistants apparaissaient un peu comme des violents qui avaient commis des crimes et sur la défensive.
Patrick Cohen - à cause de la violence de l'épuration?
Marc Ferro - pas si violente qu'on le dit, faut pas exagérer, bon elle a existé, elle a été en partie scandaleuse lorsqu'il y a eu des exécutions sommaires là ici et ailleurs, on le sait, mais enfin sans vouloir comparer aux autres pays, elle a été vingt fois plus faible que dans les autres pays d'Europe, mais ce n'est pas ce que je veux dire, ce que je veux dire c'est que l'esprit de la résistance qui triomphait en 1945 46 47 a été peu à peu recouvert par une presse libre n'est ce pas, des jérémiades et des plaintes de tous ceux qui avaient collaboré et qui disaient que la défense n'était pas une vraie défense, que les avocats n'avaient pas toutes les possibilités et si bien que c'était peu à peu les résistants qui devenaient les coupables, c'est çà que je veux dire."

Le général de Gaulle a dit au sujet de la guerre d'Algérie "Le sang sèche vite" (12) pour illustrer le fait que tout cela serait bien vite oublié. Réponse d'homme. Une femme sait que le sang frais peut être nettoyé alors que le sang séché est quasi impossible à faire disparaître sur un support textile, de même sur le tissu qu'est étymologiquement l'histoire, le sang séché ne s'efface qu'au prix de laborieux et précautionneux efforts.

(1a) Henry Rousso, Histoire et mémoire des années noires, Institut d’études politiques de Paris
Juin 2000, Rousso_Henry_Histoire_Mémoire_Années_noires (1) https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01577863/document p 11

(1b) op cit p 11

(1c) "Paul Touvier, objet de la première instruction ouverte en France pour crimes contre l’humanité (novembre 1973), Jean Leguay, premier Français à avoir été inculpé de ce chef d’accusation (mars 1979), Maurice Papon (inculpé une première fois en janvier 1983, puis, après annulation de l’instruction, inculpé une deuxième fois en juillet 1988), et enfin René Bousquet (inculpé en mars 1991, après de nombreuses péripéties), sans conteste le plus lourd de ces quatre dossiers. L’assassinat de ce dernier, le 8 juin 1993, accentue encore plus les frustrations, d’autant que la rumeur court que certaines de ces procédures, et en particulier celle concernant l’ancien secrétaire général à la police de Vichy, ont été plus ou moins «freinées» par le président de la République –ce que l’intéressé a confirmé lors de son intervention télévisée du 12 septembre 1994." op cit p 75

(1d) "Si l’on excepte le précédent plus ou moins avorté des procès de Leipzig et des autres procès qui suivirent la défaite de l’Allemagne impériale en 1918, c’est une innovation majeure. Pour la première fois, des tribunaux entreprennent à une très vaste échelle, et avec un relatif succès, de codifier, d’analyser et de délivrer des sentences à la suite d’une guerre mondiale et d’une série de conflits internes et de guerres civiles. C’est la première fois que le droit et la justice proposent ainsi, à une vaste échelle, une première interprétation, une première narration de l’événement à peine terminé, et ce avant tout regard de nature historique. Et ces interprétations judiciaires ont revêtu, par définition, un caractère officiel et normatif. (...) Il est important de rappeler à cet égard que la «seconde épuration», au moins en France, a entraîné un sérieux bouleversement juridique. À l’encontre d’un principe juridique ancestral, c’est la première fois que des poursuites sont rouvertes après que plusieurs amnisties ont été prononcées ou que la prescription a commencé à courir." op cit p 91-92

(2) Sur 1038 compagnons de la libération nous comptons 6 femmes, dont 4 ayant reçu cette distinction à titre posthume, une l'ayant reçu alors qu'on la croyait morte et une seule l'ayant reçu de son vivant !

(3) Si Henri Frenay a abandonné la défense du mythe de la poignée de misérables qu'il défend dans le texte suivant, son état d'esprit n'a pas beaucoup varié depuis 1944 concernant la préservation des vies humaines "Mis à part quelques milliers de traîtres qu'il nous faudra porter en terre, quelques milliers de trafiquants gras et insolents que la loi républicaine dépouillera et châtiera, c'est toute la Nation que le gouvernement convie à une éclatante et populaire démonstration de la volonté des Français..."
[Henri Frenay, ministre des prisonniers, le 22 novembre 1944 "il faut d'abord gagner la guerre"]
https://www.franceculture.fr/histoire/non-lepuration-na-pas-ete-sauvage-apres-la-seconde-guerre-mondiale

(4) https://www.europe1.fr/societe/en-images-voici-a-quoi-ressemblera-le-monument-a-la-memoire-des-militaires-morts-en-operation-exterieure-3903636

(5) Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947, Fayard, 1994

(6) Donald B. Robinson, « Blood bath in France », American Mercury, avril 1946, cité par Peter Novick, L’Épuration française (1944–1945), Balland, Paris, 1985, pages 318-319 et par https://fr.wikipedia.org/wiki/Épuration_à_la_Libération_en_France

(7) http://lapresguerre.over-blog.com/2019/08/un-certain-4-aout-a-monterfil.html

(8) AD Lot 1109 W 1107

(9) extraits de la décision du procureur général près la cour de cassation du 31 août 1946, rassemblés le 30 avril 1947 et cités in Jean Louis Florent Schroetter, Pour l'honneur de mon père, JDM Editions, 2007 p 195-196

(10) "En 2012, Ophüls indiquera avec détachement : « Le directeur général de l'ORTF était allé voir le Général à Colombey, pour lui demander ce qu'il devait faire de ce film qui évoquait des “vérités désagréables”. » De Gaulle lui aurait répondu : « La France n'a pas besoin de vérités ; la France a besoin d'espoir. »" Ophuls, l'évadé du doc, Télérama, no 3260 p. 64, à l'occasion de la rediffusion du Chagrin et la Pitié. in https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chagrin_et_la_Pitié

(11) https://www.liberation.fr/medias/2005/06/24/la-collaboration_524544

(12) Algérie an VII- L'examen des consciences - Louis Martin-Chauffier https://books.google.fr/books?id=DWqJDwAAQBAJ&pg=PT14&lpg=PT14&dq=de+gaulle+le+sang+seche+vite&source=bl&ots=1ud-0-oJru&sig=ACfU3U1_hWwQ1hy5FrU8NKWDG_ArYXkenA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi-pafsjOflAhWMFxQKHfMKAT0Q6AEwCXoECAYQAQ#v=onepage&q=de%20gaulle%20le%20sang%20seche%20vite&f=false

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